Depuis l’avènement de la pandémie de la Covid-19, l’Internet a été d’une grande utilité. On pouvait avoir accès aux dernières actualités sur la pandémie du coronavirus, faire du télé-travail, accéder aux opportunités économiques que le réseau public mondial offre, enseigner en ligne. En Algérie, la crise sanitairea mis à nu les lacunes et les défaillances d’une connexion souvent lente, n’offrant pas toujours la qualité attendue ou exigée. Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, avait d’ailleurs, en mois d’août dernier, suite à des perturbations avérées, instruit le ministre de la Poste et des Télécommunications, lors d’uneréunion périodique du Conseil des ministres, tenue par visioconférence, de «trouver une solution définitive au problème de faiblesse du débit internet, définir les facteurs nuisibles et soumettre le dossier au Conseil des ministres si le besoin se fait sentir». Trois mois après, le constat est le même. Plusieurs projets de services numériques annoncés n’ont pas vu le jour ou pas généralisé, à l’instar du e-paiement, qui reste tributaire du débit internet. L’on se rappelle que le ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait exigé, en mai dernier, la généralisation du paiement électronique à travers le territoire nationale. Outre la non-disponibilité des terminaux de paiement électronique (TPE),les commerçants, au nombrerestreint, ayant réussi à se mettre au diapason des nouveautés, évoquent les difficultés liées au réseau pendant les opérations de paiement. «Nous nous sommes impliqués depuis quelques mois. Nos clients, autant que nous,ce sont acclimatés à cette avancée, ce qui nous arrange», a déclaré un commerçant, lequel a souligné, cependant, des perturbations récurrentes à cause de la connexion souvent «médiocre». «Même si c’est un problème qui me dépasse en tant que vendeur, cela me met mal à l’aise vis-à-vis de ma clientèle, qui doit patienter à défaut de nous pouvoir repasser», regrette-t-il. Selon un responsable d’Algérie Télécom, AbderraoufHammouche, l’entreprise a effectuéde «grands travaux, notamment de rénovation et de maintenance du câbleréseau pour pallier les défaillances et en finir avec les perturbations signalées par les abonnés», particulièrement en cette conjoncture où le travail à distance est recommandé. Il a été question d’accélérer l’exploitation des derniers câbles mis en place avec le fournisseur espagnol. «De grands projets restent à finaliser», a indiqué le responsable d’AT.
C’est, en effet, des mesures d’urgence entreprises, explique Lamine Ouerdiexpert en TIC, qui ajoute qu’il s’agit également de finaliser les opérations de maintenanceet libérer les nouvelles fréquences pour la 4G. Un travail qui devrait être renforcé, souligne l’expert, estimant que «les contraintes persistent et les opérations de réseau trainent toujours». Les fréquences de la quatrième génération n’a, toutefois, «pas apporté des capacités supplémentaires», regrette Ouerdi imputant cet état de fait «au mauvais choix de la plage de fréquence, éventuellement». A cet effet, la mise en place de services numériques, en particulier l’enseignement à distance et le e-paiement, reste tributaire de la qualité et disponibilité du débit internet, étant une condition essentielle pour l’aboutissement du processus de numérisation et des statistiques. «Cette situation compromettante suscite la réticence des investisseurs et des consommateurs», diraOuerdi, qui prône la réalisation des infrastructuresde base du digital.
Relever les défis technologiques
De son avis, «en dépit de la volonté politique, l’absence de mécanisme concret et de vision compromet les projets de digitalisation». Il soulève également une autre contrainte de taille sur laquelle buttentles investisseurs, à savoir «le groupe public Algérie Télécom, qui détient le monopole sur Internet en Algérie, n’arrive toujours pas à se mettre au diapason des défis du XXIe siècle».
Et par conséquent, «tant qu’Algérie Télécom n’arrive pas à relever le défi, en changeant d’envergure et capacité de réalisation, le secteur ne se relèvera pas», prévoit l’expert.
Face à ce retard cumulé par rapport aux nouvelles technologies, «le consommateur algérien adopte rapidement de nouveaux comportements, particulièrement les services qui facilitent et améliorent sa qualité de vie», reconnaît Ouerdi, qui, encore une fois, insiste sur les lenteurs enregistrées dans la concrétisation des projets annoncés. On constate donc «l’absence d’offres des banques, des entreprises, des fournisseurs de produits et de connexion et infrastructures». En bref, «Absence du maillon devant mettre en pratique la digitalisation, outre la réglementation». «Certains textes d’application pour donner accès aux sociétés et investisseurs tardent à à voir le jour», soutient Ouerdi. Et d’enchaîner : «Ces textes de loi seront le signal fort pour toute éventuelleévolution pour rattraper les retards enregistrés dans le processus de numérisation afin de relever les défis économiques et technologiques du pays.»
Les services numériques s’imposeront
Selon l’expert en TIC, les services numériques s’imposent et l’Algérie ne peut pas rester en marge. Cependant, les retards cumulés aujourd’hui pèseront énormément demain, puisque «la technologie est exponentielle, un retard aujourd’hui se transformera à un retard de 10 ans demain». Toutefois pour ce faire, un travail intersectoriel s’impose à l’avenir.
HacèneMenaouar, président de l’Association nationale El Amane pour la protection et l’orientation des consommateurs, s’est dit déçu de la «qualité de la connexion». «La crise sanitaire n’est pas qu’une crise sanitaire. Elle a une série de conséquences que nous ne mesurons pas encore pleinement, tant sur les plans économique, social. On aurait aiméque le gouvernement en tire des leçons afin de faire face à d’éventuels crises», a indiqué Menaouar. «L’on s’attendait à un sursaut durant la pandémie pour améliorer la qualité des services numériques, qui constituent une mesure pour limiter la contagion du virus», dira-t-il, dépité. L’association estime qu’il est temps de démocratiser l’internet et d’élever le débit afin de développer de nouveaux créneaux, comme le e-learning, le e-commerce, la livraison à domicile, dans l’objectif d’éviter la promiscuité dans les supérettes notamment.
Pour lui, les choses stagnent et le gouvernement fait toujours dans les effets d’annonce. «Il y a urgence de développer et de prendre en charge le processus de la digitalisation, car cela permettra d’économiser du temps, de l’argent et de réduire les risques de contagion», conclut le président de l’association.
Samira Azzegag