La Loi de finances pour 2021 alloue une enveloppe budgétaire de plus de 1 927 milliards de dinars (18 milliards de dollars) aux transferts sociaux dont 50 milliards destinés au développement des zones d’ombre. Le montant est ainsi supérieur de 2 milliards de dollars à celui attribué par la Loi de finance complémentaire de 2020. Mais pour les experts, cet effort social très conséquent de l’Etat requiert d’être évalué pour prouver son efficacité et sa pertinence pour les catégories sociales qui ont grandement besoin d’aide.
Car, selon eux, poursuivre une politique sociale qui permet à tous les Algériens de profiter des subventions aux produits et services de base pourrait s’avérer très difficile à assumer en cette conjoncture de récession, d’autant que les transferts sociaux au titre de l’exercice 2021 s’élève à 9,4% du produit intérieur brut (PIB). «Cela constitue une charge très difficile à supporter», souligne Mahfoud Kaoubi, analyste économique et financier. «On s’attendait à ce que les transferts sociaux fassent l’objet d’une réforme et d’une nouvelle réflexion, car tous les experts sont unanimes à dire que ce système est inefficace et injuste», poursuit-il. L’économiste déplore l’absence de mesures dans la nouvelle Loi de finances, annonçant une révision de cette politique très coûteuse. Pour lui, c’est une source d’injustice sociale qui impacte négativement l’économie puisqu’elle pervertit les prix de certains produits. «C’est la cause même, renchérit-il, du dysfonctionnement qui fait qu’on n’arrive pas à relancer certains secteurs d’activité dont les hydrocarbures, les ressources en eau, l’électricité». Selon lui, on ne peut pas continuer à maintenir les subventions à un taux aussi important. «Il est impératif de les réadapter, notamment après la baisse des recettes en devises est ce, en dépit de l’augmentation de nos exportations en hydrocarbures de plus de 10%», relève-t-il. Et de prévenir que le déficit budgétaire annoncé pour 2021 qui s’élève à 13,15% du PIB risque d’induire d’autres déséquilibres qui toucheront la sphère de l’économie réelle. Ce qui devrait nécessairement impacter tout le processus d’investissement et de croissance. C’est pourquoi, il appelle à réformer l’appareil de dépense pour assurer une meilleure efficacité de l’administration publique.
Dans l’attente d’un ciblage
Abdenour Attal, économiste et conseiller à la Confédération algérienne du patronat citoyen (Capc), abonde dans le même sens. «Le budget réservé aux transferts sociaux a été augmenté au détriment des autres secteurs», fait-il remarquer. D’après lui, les défis imposés par la baisse de la fiscalité pétrolière et les circonstances liées à la crise sanitaire ont largement contribué au maintien de cette politique sociale qui revêt un caractère très sensible. Sa réaction vient conforter la déclaration de la représentante du gouvernement et ministre des Relations avec le Parlement, Besma Azouar, qui avait indiqué que des conditions doivent être réunies avant le lancement d’un mécanisme de ciblage des subventions qui soit efficace, pratique et équitable. «L’étude d’un tel mécanisme au niveau du gouvernement s’est achevée et sa mise en œuvre interviendra en temps voulu et selon un calendrier progressif et précis», assure-t-elle. Pour Attal, l’ampleur des conséquences de la crise sanitaire devrait se poursuivre jusqu’en 2021. Ce qui risque d’élargir la catégorie de personnes vulnérables. Une situation qui conforte, selon lui, les autorités dans leur décision de retarder l’abandon du modèle généralisé des transferts sociaux et la rentrée en vigueur du système de ciblage. «Les autorités semblent même déterminées, fait-il remarquer, à poursuivre l’investissement dans les projets inscrits au titre du volet social». L’expert estime donc difficile de comprimer, à l’heure actuelle, la facture des subventions destinée aux produits de première nécessité tels que le lait, l’huile et le sucre. Pourtant, «il existe un fichier de sécurité sociale très ciblé sur lequel le gouvernement peut s’appuyer pour l’estimation des revenus et le lancement du ciblage précis», soutient-il.
Assia Boucetta